24/03/2012

b. Steve Jobs, le parfait entrepreneur à la Schumpeter



Steve Jobs

 Pour Schumpeter (1883-1950), le capitalisme ne se caractérise pas par un système fondé sur la recherche de l'équilibre entre l'offre et la demande (régulation par le marché). Bien au contraire, le capitalisme repose sur des changements incessants qui entraînent des déséquilibres permanents en raison des effets en chaîne des grappes d'innovations mises en œuvre par les entrepreneurs.
"Les démocraties ne créent pas de produits vedettes, pour cela il faut un dictacteur compétent", dira un jour Jean-Louis Gassée, fondateur d'Apple France.

L'innovation, c'est impitoyable. Joseph Schumpeter, parle de « destruction créatrice». Dans le monde du numérique, c'est encore pire. Tout produit nouveau est dépassé voire remplacé en quelques mois par un produit encore plus nouveau. La seule chose qui ne soit pas nouvelle, c'est le phénomène lui-même : il y a vingt-cinq siècles, Héraclite d'Éphèse nous apprenait que rien n'est permanent, sauf le changement. Permanent, mais pas uniforme. Marc Giget (un économiste) a montré que nous sommes actuellement dans la phase active d'une grande vague d'innovation.
Tous les entrepreneurs ont à portée de main cette masse de connaissances nouvelles, d'inventions scientifiques et techniques. Mais le jackpot est pour celui qui sait utiliser astucieusement et avant tous les autres les ressources de ce formidable réservoir.

En effet, l’entrepreneur est un être exceptionnel car ses qualités sont rares : il est celui qui va transformer radicalement les "routines". A contre-courant, il doit surmonter les résistances au changement et prendre tous les risques.

Il doit posséder "un leadership économique" dans ses fonctions de chef (théorie de l'évolution économique). Parmi ses qualités, Schumpeter évoque la volonté, l’énergie et l’intelligence. Mais également un coup d'œil : « Ici tout dépend du coup d'œil, de la capacité de voir les choses d'une manière que l'expérience confirme ensuite, même si elle ne saisit pas l'essentiel et pas du tout l'accessoire, même et surtout si on ne peut se rendre compte des principes d'après lesquels on agit . Cette liberté d'esprit suppose une force qui dépasse de beaucoup les exigences de la vie quotidienne, elle est par nature quelque chose de spécifique et de rare ».

Schumpeter distinguait plusieurs types d'innovations que l'on peut appliquer à Apple :

-Innovations de produits : iMac, iPod, iPhone, iPad... la liste est longue des produits permettant de stocker les informations. Cependant, n'oublions pas le Macintosh des débuts et les nombreux échecs aussi.

- Innovations de procédés : système d'exploitation Mac OS X et Lion, iTunes, icloud. Ce sont de nouveaux procédés pour faire circuler les informations.

- Innovation de marchés : Apple n'a pas crée les marchés, les PC existaient avant, les smartphones et les tablettes aussi. En revanche il a su redynamiser ces marchés avec la création d'un ordinateur avec une forme et des couleurs plus "fun" (l'iMac), intégration d'un écran tactile dans un smartphone (iPhone), baladeurs numériques miniatures à forte capacité de stockage (ipod), tablette tactile bénéficiant des avancées et du savoir-faire des produits de la marque.

- Innovation d'organisation industrielle : l'alliance au début des années 1990 entre Apple et Intel


Les produits Apple : matériels et logiciels


Toutes ces innovations, conformément à ce qu'avait écrit Schumpeter, ont permis à la firme d'acquérir un pouvoir sur le marché :

- Des consommateurs captifs : il n'y a qu'à voir les files d'attentes lors de la sortie des nouveaux produits, les vidéos sur le web qui montrent le "déballage" des produits et évidemment les discussions sur les forums entre les "pro-Apple" et les "Anti-apple". Par conséquent, les prix ne correspondent plus vraiment à celui du marché.

Un fait étonnant : HP a bradé sa tablette Touchpad à 99 € (contre 479 € en prix de lancement) afin de vider ses stocks accumulés en raison d'un échec commercial. Les consommateurs se sont rués sur les derniers Touchpad (forte élasticité-prix de la demande) alors que les ventes d'iPad continuent de grimper (faible élasticité-prix pour Apple). La marge d'Apple est donc considérable. Schumpeter caractérisait cette situation par le concept de rente de monopole.

- L'entreprise est alors en position de "price-maker" : c'est elle qui impose le prix aux concurrents et aux consommateurs. En effet, on a vu Samsung en difficulté lors de la sortie de l'ipad 2 au même prix que l'ipad 1 (sa stratégie de prix a dû être entièrement revue pour s'aligner sur Apple).
                                            
Apple, conformément à l'analyse de Schumpeter, se trouve souvent en position dominante de monopole temporaire: sur les baladeurs numériques et les tablettes numériques, sa part de marché au plus fort du succès atteint les 80 % (pour l'ipad cela pourrait durer jusqu'en 2015).

- Schumpeter avait montré que les grappes d'innovation sont à l'origine du processus de destruction créatrice : elles permettent d'ouvrir de nouveaux débouchés (donc de relancer la production et l'emploi) mais dans le même temps, elles rendent obsolètes des pans entiers de l'économie. Apple, essentiellement dans la musique va s'approprier une grande partie de la valeur créée en vendant les produits innovants (iPod etc…) mais également les procédés permettant de faire circuler les biens culturels ou informationnels (via iTunes, iCloud...).

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